La nature a horreur du vide ! Cette expression d’Aristote, vieille de plus de 2400 ans, est toujours d’actualité, surtout dans le domaine du téléchargement illégal. En effet, alors que les polices française et suédoise ont procédé à un vaste coup de filet en juin 2017 parmi les administrateurs du célèbre site de téléchargement t411, un clone de celui-ci est apparu quelques semaines plus tard, sous l’adresse web t411.si.
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Une renaissance ou une nouvelle création ?
T411 était une vraie marque d’Internet. Le site créé en 2007, était à l’heure de sa fermeture le 65ème site le plus visité de France. Un exploit, alors que son système, fonctionnant de manière semi-privée, avec l’obligation pour l’utilisateur de créer un compte et, surtout, de maintenir un ratio minimum entre les données téléchargées et celles partagées, paraissait plus complexe que chez certains concurrents. Toutefois, la grandeur de son catalogue, avec plus de 730 000 torrents en 2017, et la qualité de ses derniers, ont facilité son succès.
L’arrestation en juin de 6 personnes et la saisie de serveurs semblaient signer l’arrêt de mort du site, suite aux plaintes déposées par la Société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique (SACEM). Cela mettait fin, il faut le reconnaître, à un succès public et financier, les administrateurs ayant empoché environ 6 millions d’euros durant l’activité du site, d’après les estimations des représentants des ayants droits.
Pourtant, il n’est guère étonnant de voir aujourd’hui le développement d’un clone, reprenant le nom et l’aspect graphique. Peu d’informations ont néanmoins filtré sur l’identité des nouveaux développeurs. Sont-ils issus de l’ancienne équipe ou sont-ils des bidouilleurs informatiques voulant profiter d’un business juteux et d’une marque forte, malgré les risques juridiques certains ?
Si la nouvelle équipe s’est placée dans les pas de ses prédécesseurs, annonçant le retour du premier site de torrent francophone, il n’est pas sûr qu’elle en soit véritablement issue. En effet, de nombreux autres clones (t411.one ou encore t411.li) ont émergé sur le net ces dernières semaines, avec plus ou moins de succès. Même si celui semble aujourd’hui le plus abouti, le fonctionnement actuel diffère de ce qui avait été imaginé dès 2007 sur le site originel.
Une interface proche pour un concept différent
Visuellement, ce site semble très proche du t411 originel : les codes couleur, les menus, les fiches de présentation des torrents, tout est identique ou ressemblant. Les habitués ne seront pas perturbés. On retrouve même, depuis une mise à jour d’août dernier, le fameux bouton de remerciement, sur chaque page de téléchargement. L’équipe communique d’ailleurs régulièrement sur le compte Twitter créé pour l’occasion pour mettre en avant une ergonomie proche, avec quelques améliorations en cours d’élaboration, comme une meilleure prise en compte du responsive design.
Pourtant, à y regarder de plus près, le concept est totalement différent. En effet, fini le tracker privé et le système de ratio. Désormais, le site est ouvert à tous, sans inscription obligatoire, et se présente davantage comme un annuaire de torrents proposés par les utilisateurs. Ces derniers se sont d’ailleurs indigné sur les réseaux sociaux face à ce choix étonnant et ont poussé les développeurs à s’exprimer sur le sujet. D’après eux, ce nouveau fonctionnement, mûrement réfléchi, permettra d’éviter à l’avenir la disparition de fichiers à l’occasion d’une fermeture du site, sous la pression des autorités. Ils ajoutent que, ôté de ses barrières, t411 s’ouvrira à une communauté plus large et donc plus soudée, à même de faire face aux pressions des ayants droits. Enfin, sur une base plus technique, la disparition des ratios facilitera le téléchargement des utilisateurs ayant une connexion peu puissante.
Un démarrage en trombe pour une activité toujours illégale
Malgré ces changements, le résultat est là : les développeurs annonçaient déjà, à la fin août, posséder un annuaire de plus de 50 000 torrents et 150 000 comptes utilisateurs créés. Preuve que la marque reste visible chez les personnes téléchargeant illégalement. Preuve également que même si la justice prend la question des œuvres soumises au droit d’auteur au sérieux, et parvient à faire fermer, à force d’acharnement, les figures de proue de cette industrie, il est presque impossible d’y mettre fin.
On rappellera d’ailleurs que, si les créateurs, développeurs ou administrateurs de sites de téléchargement illégal risquent de lourdes peines de prison, chaque utilisateur est susceptible d’être poursuivi au titre de la loi Hadopi, du nom de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet. A la clé, des amendes de cinquième classe pouvant atteindre 1500 € à l’issue de la réponse graduée mise en place par le législateur en 2009. En janvier dernier, la Haute autorité indiquait être saisie quotidiennement de plus de 70 000 dossiers. Ainsi, si le sujet fait moins une de l’actualité, cela ne signifie pas une absence de risques pour les contrevenants.
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